Évaluer les mobilités résidentielles à partir des inscriptions scolaires

Les effectifs scolaires du premier degré enregistrés à la rentrée 2021 viennent d’être diffusés. Dans quelle mesure est-il possible de les exploiter pour approcher les mobilités résidentielles récentes, qui relèveraient d’un « exode urbain » largement évoqué dans les médias ?
L’exercice a déjà été réalisé par Olivier Bouba-Olga à l’échelle des intercommunalités. Nous proposons ici une approche complémentaire dont l’objectif est de neutraliser deux effets : un effet démographique lié à une baisse globale du nombre d’enfants en âge d’être scolarisés dans le premier degré, et un effet géographique lié à la mobilité résidentielle locale des parents de jeunes enfants, qui quittent la ville-centre pour rejoindre en périphérie un logement mieux adapté à l’évolution de la configuration familiale. L’analyse porte sur la situation en France métropolitaine et propose ensuite un zoom sur le territoire ELLO.

Construire une cohorte

Entre la rentrée 2019 et la rentrée 2021, les effectifs scolaires du 1er degré ont baissé de 2,6%. Pour identifier d’éventuels mouvements géographiques, il apparaît préférable de neutraliser l’effet purement démographique et d’étudier une pseudo-cohorte formée de la façon suivante :
  • en 2019 : CP + CE1 + CE2,
  • en 2020 : CE1 + CE2 + CM1,
  • en 2021 : CE2 + CM1 + CM2.
La taille de cette cohorte diminue de 0,95% entre 2019 et 2021, cette variation peut être attribuée entre autre :
  • à la différence entre départs vers l’étranger et arrivée depuis l’étranger ;
  • à l’orientation d’une partie des élèves vers les classes ULIS (Unités Localisées d’Inclusion Scolaires) destinées aux élèves en situation de handicap et dont les effectifs sont comptés à part ;
  • à des sauts de classe, les redoublements étant en principe impossibles ;
  • à la scolarisation à la maison ou dans des établissements hors contrat ;
  • à la mortalité, heureusement très faible pour ces tranches d’âge (0,08 ‰).

Étudier la variation des effectifs à l’échelle des aires d’attraction des villes (AAV), en distinguant pôles et couronnes

Depuis 2020, ce zonage remplace les aires urbaines. Il est fondé sur les déplacements domicile-travail, et de fait il correspond à l’espace des mobilités possibles pour les parents à la recherche d’un logement mieux adapté. Au sein d’une AVV, l’Insee distingue le pôle et la couronne. Nous avons calculé l’évolution des effectifs de la cohorte entre la rentrée 2019 et la rentrée 2021 pour les 230 premières AAV de métropole, dont la population dépasse les 30 000 habitants (% du total population), sur l’ensemble de l’AAV, sur son pôle et sa couronne. Une première distinction sépare les AVV en deux groupes : les AVV où les effectifs de la cohorte ont augmenté et les AVV où les effectifs de la cohorte ont diminué. À l’intérieur de chacun de ces groupes on distingue ensuite les combinaisons de la situation respective du pôle et de la couronne. Au final il est possible d’identifier ainsi 6 types d’AVV et de les cartographier.

Un contraste élevé entre l’ouest et l’est

Les AAV ayant connu une évolution positive de la cohorte 2019 – 2021 sont particulièrement nombreuses à l’ouest d’une ligne Grandville – Béziers : 53 pour un total France de 93 soit 57%, alors que cette partie du territoire représentent 36 % des AVV retenues pour l’analyse.

La distribution géographique des AAV dont la croissance de la population a été positive entre 2013 et 2019 apparaît beaucoup plus équilibrée. L’ouest et le sud-ouest y sont bien représentés certes, tout comme l’arc méditerranéen, le sillon rhodanien et l’Île-de-France.

Les métropoles à la peine, à l’exception de Bordeaux

Parmi les 22 AAV qui comprenne une métropole, seule Bordeaux connaît une croissance globale de ses effectifs, mais limitée à sa couronne. On peut donc émettre l’hypothèse que, pour la population concernée, les arrivées depuis l’extérieur du territoire restent nombreuses mais s’opèrent hors du pôle.

14 AAV perdent globalement des effectifs, mais uniquement dans leur pôle (Paris, Grenoble, Lyon, Dijon, Strasbourg, Brest, Toulon, Rennes, Toulouse, Nantes, Aix-Marseille, Nice, Rouen). Le mouvement centre vers couronne des ménages déjà présents se poursuivraient, combiné avec des départs vers d’autres AVV plus nombreux que les arrivées.

Enfin 7 AVV (Clermont-Ferrand, Nancy, Tours, Lille, Saint-Étienne, Metz, Orléans) connaissent un solde migratoire négatif dans leur pôle comme dans leur couronne.

L’attractivité des villes moyennes du littoral atlantique et du sud-ouest

Les 39 AVV dont le pôle et la couronne sont simultanément attractives ont pour centre des villes de taille moyenne : une seule dépasse 100 000 habitants (Perpignan), 9 comptent entre 50 000 et 100 000 habitants, 14 entre 20 000 et 50 000 habitants, 16 moins de 20 000 habitants. Elles s’égrènent d’une part en chapelet le long du littoral atlantique, de la Bretagne (Lannion, Morlaix, Quimper, Pontivy, Vannes), aux Pays de la Loire (Saint-Nazaire, Saint-Hilaire-de-Riez, Les Sables d’Olonne), jusqu’en Aquitaine (La Rochelle, Royan, Dax et Bayonne), et d’autre part dans le quart sud-ouest du pays (Pau, Libourne, Bergerac, Sarlat-la-Canéda, Brive-La-Gaillarde, Cahors, Albi, Montauban, Pamiers, Béziers et Perpignan…). Les autres AAV de ce type sont dispersées sur le reste du territoire.

Une diffusion vers d’autres villes moyennes et petites ?

Que leur évolution soit globalement positive ou globalement négative, les AVV dont le pôle est croissant et la couronne décroissante ont une ville-centre qui attire des ménages depuis l’extérieur et/ou qui n’est pas quittée par les ménages déjà présents pour rejoindre les communes de la couronne.

Figurent dans cette catégorie des AAV de Bretagne, des Pays de la Loire et de Normandie. L’attractivité du sud-ouest est également confirmée. Par contre aucune concentration du même type n’apparaît dans le reste du territoire.

Des résultats qui restent à confirmer

L’analyse présentée ici porte sur la mobilité résidentielle d’une partie réduite de la population au profil particulier : de jeunes enfants âgés de 8 à 10 ans à la rentrée 2021, et leurs parents. D’autre part les variations sont parfois très faibles en termes d’effectifs. Enfin il n’est pas possible de réaliser la même analyse sur une cohorte plus ancienne : les effectifs par niveau ne sont pas disponibles pour les années antérieures sur le site data.education.gouv.fr.

Dans ces conditions, il est difficile d’affirmer l’émergence d’un phénomène massif de mobilité résidentielle vers des villes petites et moyenne, et le cas échéant il serait loin d’être généralisé. En parallèle, l’évolution à la baisse de la quasi-totalité des métropoles sous cet angle d’observation apparaît cependant réel.

Zoom sur le territoire ELLO

L’examen de la situation française a permis de constater que les effectifs de la cohorte augmentent dans l’AAV de Saint-Nazaire, aussi bien dans le pôle que dans la couronne (données). À l’échelle communale la situation apparaît contrastée : pour les petites communes l’évolution relative (en %) correspond à une variation très faible des effectifs, par ailleurs des mouvements peuvent avoir lieu entre communes voisines.

Ceci étant, les résultats observés pour la Baule (+49 élèves), Guérande (+39), Pornic (+33) et Saint-Brevin-les-Pins (+24) méritent d’être soulignés. Trois de ces quatre communes sont littorales et leur dynamique migratoire jusqu’alors marquée par le nombre important d’arrivées de retraités. Nous sommes encore loin d’un phénomène massif, c’est ce qu’il convient d’appeler un signal faible. Dans l’attente des résultats du recensement à moyen terme, l’addrn poursuit ses investigations pour identifier et analyser des indicateurs de ce type qui permettent de suivre sans trop de décalage temporel les éventuelles évolution de l’attractivité du territoire en cette période (post-) covid.

Pour en savoir plus :