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Les recrutements comme révélateurs des tensions sur
le marché de l'emploi

Depuis la pandémie de Covid-19 de 2020, la majorité des entreprises témoignent de leurs difficultés à recruter. Industriels, restaurateurs ou professionnels de la santé : tous pointent la pénurie de main-d’œuvre. En 2020 et en 2021, les acteurs de l’emploi ont pensé à une crise épisodique mais la pandémie a agi comme un catalyseur du changement amenant les salariés à se poser davantage de questions sur leur avenir professionnel et à accélérer les bifurcations dans leur carrière. Aujourd’hui, ce manque de main-d’œuvre apparait comme un bouleversement persistant et structurel au marché du travail tant en local – sur le territoire ELLO – qu’à l’échelle nationale. En septembre 2021, l’État a lancé un plan de réduction des tensions de recrutement dont la deuxième phase a débuté en octobre 2022. Malgré les moyens et la mobilisation de toute la chaîne des acteurs de l’emploi, les tensions persistent et ne semblent pas en voie de se résorber.

des recrutements à des niveaux toujours très élevés

Malgré les difficultés à trouver de la main-d’œuvre, le nombre de recrutements a augmenté de 1,5 % entre les trois premiers trimestres de 2023 et ceux de l’année précédente pour atteindre 112 000 embauches sur le territoire ELLO. Un volume qui atteint des sommets et place 2023 juste derrière 2019, année record au regard du pic d’activité pour le territoire. Remarquable par leur ampleur, les recrutements le sont également par leur concentration sur quelques secteurs, trois d’entre eux pesant pour près de 60 % du total : avec 28 000 recrutements, celui de l’Hébergement et la restauration accumule un quart du total, l’Hébergement médico-social et l’action sociale sans hébergement en dénombre 18 000, et le Commerce et réparation automobile en compte 17 000.

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la hausse des recrutements comme révélateur de tensions

Aussi contre-intuitif soit-il, ce maintien à très haut niveau du volume d’embauches confirme les difficultés de recrutement et les tensions préexistantes sur le marché de l’emploi. Dans l’Hébergement médico-social et l’action sociale sans hébergement, deuxième secteur recruteur, le nombre de contrats signés a augmenté de 9,8% entre les trois premiers trimestres de 2023 et ceux de l’année passée. En revanche un profond déséquilibre s’opère dans la nature des contrats avec un essor des contrats courts, d’une durée inférieure à 31 jours et, à l’inverse, une érosion des contrats longs : CDD de plus de 31 jours et CDI. En l’absence de personnels stables, ce secteur fait appel à ces contrats de courte durée pour faire face à un surcroit d’activité, à l’absence temporaire de personnels accompagnants et soignants ou à un manque répété de main-d’œuvre. Ce lien fait entre l’essor des contrats courts et le manque de main-d’œuvre a été souligné dans un rapport produit par la DARES en 2021. Cette situation n’est pas spécifique à ce secteur et s’observe avec les mêmes explications dans les secteurs de la Santé ou de l’Hébergement et la restauration. L’activité Transport et entreposage partage dans les grandes lignes une situation analogue avec une forte croissance des contrats courts et une progression nettement plus contenu des contrats longs.

des contrats plus longs pour fidéliser les salariés

La situation spécifique à ces secteurs n’est pourtant pas la norme. Au global, depuis plusieurs années il y a une érosion progressive de la part des contrats courts. Par rapport à l’avant pandémie, leur part a diminué d’environ 7 points dans le volume global pour atteindre 58,6 % sur le territoire ELLO en 2023.

Ce maintien des salariés en poste est, pour les entreprises, un moyen de se prémunir de tout manque de main-d’œuvre en gardant au maximum les compétences en interne. Les entreprises ont ainsi prolongé voire pérennisé les postes quitte à perdre en productivité en cas de déficit d’activité. Une forme de rétention de la main-d’œuvre s’est ainsi développée afin de conserver les qualifications. Cette situation traduit l’évolution des rapports de force en faveur des salariés qui s’impose progressivement sur le marché du travail.

Ce phénomène est particulièrement marqué dans la Fabrication de matériel de transport, regroupant les activités aéronautiques et navales où la recrudescence des contrats plus longs permet de renforcer l’attractivité du secteur et de fidéliser la main-d’œuvre déjà difficile à recruter.

En complément, les industriels ont également rebattu les cartes de la formation en proposant des cycles d’apprentissage internes afin de qualifier de futurs salariés sur des compétences rares ou absentes sur le marché du travail. Les Chantiers de l’Atlantique ont été précurseurs en lançant leur école en 2019. Idéa – logisticien en appui du secteur industriel – développe aussi depuis 2022 des formations internes sur site.

incertitude locale autour du secteur de l’intérim

La pérennisation des postes dans les entreprises se traduit par la diminution de l’emploi intérimaire. Combiné à la conjoncture moins favorable au regard de la période inflationniste traversée, l’emploi intérimaire s’inscrit dans une tendance baissière. En l’absence de chiffres locaux fiabilisés, seules les données régionales permettent de constater cette érosion qui mois après mois contracte l’emploi intérimaire dans la région.